23 déc. 20217 min de lecture

Le glacier peut attendre (partie 1)

Dernière mise à jour : 13 avr. 2022

Venez découvrir Puerto Eden !

Par Natalia Morata

Si vous êtes abonnés à notre newsletter (en espagnol), vous savez que nous n'avons pas encore pu nous rendre sur le glacier Témpanos et que Centre Terre réalisera son expédition en janvier et février 2022. Mais nous avons fait bonne figure malgré le mauvais temps et cela en valait la peine !

" Cuerdas y Más, apprendre à connaître les glaciers de glace " devient " Cuerdas y Más, apprendre à connaître notre environnement "

Photo de groupe après le grand exercice secours ; dernier jour des activités sur le terrain.

Photo : Leonardo Rivas

Nous avions tout préparé pour l'expédition des enfants sur le glacier Témpanos. Aussi, lorsque le 3 novembre, quelques jours avant le début officiel de l'expédition des enfants, la IIIe zone navale de la marine chilienne a informé Natalia que, pour des raisons opérationnelles, il ne serait pas possible d'apporter le soutien demandé à l'expédition des enfants, l'équipe de Cuerdas y Más, composée de Leonardo Rivas, Felipe Viera et Natalia Morata, avait déjà précisé qu'elle se rendrait quand même à Puerto Eden.

Le lien entre Centre Terre, l'Association spéléologique de Patagonie et l'école et le jardin de Puerto Eden est l'exploration et la connaissance du territoire du point de vue de la spéléologie.

Photos : Natalia Morata

En prévision, des semaines auparavant, Romina Pizarro, directrice de l'école Miguel Montecinos, et Natalia, coordinatrice du projet "Cuerdas y Más", avaient déjà commencé à anticiper un scénario sans glacier, un plan B, souvent si nécessaire en Patagonie... Ainsi, Denis Montecinos, María Isabel Tonko et Paola Cortés, enseignants à l'école Miguel Montecinos et au jardin d'enfants ethnique alternatif La Centollita, Leonardo et Natalia ont organisé un programme d'activités alternatif axé sur l'exploration de l'environnement immédiat, à savoir celui de Puerto Eden. Les résultats prendraient la forme d'une brochure touristique destinée aux enfants des classes de CM1 et CM2 de l'école de Lorp, dans les Pyrénées françaises, avec lesquels les écoliers d'Eden ont commencé un échange en décembre 2020.

http://ecoledelorp.canalblog.com/archives/2021/04/29/38946407.html

Le programme alternatif adopté par la communauté éducative a maintenu les principaux axes du projet "Cuerdas y Más", en se concentrant sur les activités autour de Puerto Eden. A savoir :

- Découvrir l'environnement afin de le partager avec des personnes venant d'autres endroits.

- Travailler sur des valeurs telles que le travail d'équipe, la collaboration, l'esprit de dépassement de soi, le sentiment d'appartenance à une communauté.

- Développer des compétences techniques dans la manipulation des cordes, l'exploration de l'environnement en toute sécurité et la gestion d'une émergence.

Bien qu'il n'y ait pas de grottes à proximité, le programme d'activités a continué à avoir la spéléologie comme fil conducteur. L'exploration des grottes commence par l'exploration de l'environnement. La compréhension des dynamiques qui se produisent en surface (tant naturelles qu'humaines) nous prépare à celles qui se produisent sous terre ou dans des environnements difficiles. De plus, la spéléologie est une discipline qui touche à des facettes nombreuses et variées allant de la science et de l'exploration (géologie, biologie, archéologie, paléoclimatologie, etc.), en passant par l'éducation (avec des outils pédagogiques ludiques), à l'activité physique, non seulement d'un point de vue purement sportif, mais aussi du point de vue de la connaissance de soi et de l'importance de nos propres actions dans une dynamique de groupe ou de communauté.

Accrochage d'affiches à Puerto Eden pour diffuser le calendrier des activités destinées à tous les enfants qui se trouveraient à Puerto Eden ces jours-là, qu'ils soient inscrits ou non à l'école et au jardin d'enfants.

Photos : Leonardo Rivas, Natalia Morata

Montrer mon environnement au monde entier

Parfois, l'environnement immédiat est le plus inconnu. Le découvrir, l'observer et le vivre dans toute sa complexité est un voyage que nous avons décidé d'entreprendre avec l'ensemble de la communauté éducative de Puerto Eden.

Puerto Eden, ce sont ses allées, son point de vue, ses quais et ses bateaux en bois, ses couchers de soleil après la pluie, ses cheminées fumantes, ses maisons en bois aux façades en bardage, sa baie, son empreinte indigène indélébile...

Explosion de couleurs. Puerto Eden est le lieu habité le plus proche de l'archipel de Madre de Dios, qui se trouve à environ 9 heures de navigation vers le sud. Centre Terre explore les grottes de l'archipel de Patagonie depuis plus de deux décennies.

Photos : Natalia Morata

Niché au milieu du plus grand parc national du Chili, le Bernardo O'Higgins, et appartenant à la commune de Puerto Natales, Puerto Eden (l'un des endroits les plus isolés du Chili) est aussi, pour tout son bagage culturel et humain, le paradoxe de la vie dans cette Patagonie sauvage et farouche où la souveraineté immédiate ne réside pas dans ses habitants. Cependant, Puerto Eden, son peuple, est l'un des rares bastions qui luttent contre ces structures de gestion et d'administration nationales et supranationales, distantes et impersonnelles, qui ont une vision uniforme de la nature et de la relation de l'homme avec elle, étrangères au patrimoine des peuples indigènes et centrée sur les affaires de conservation.

Parcourir avec les enfants cette relation complexe et riche entre l'homme et la nature, c'est-à-dire entre eux-mêmes et leur territoire, a donné lieu à deux brochures touristiques qu'ils ont eux-mêmes réalisées après les sorties sur le terrain. Mais ce parcours a peut-être aussi éveillé beaucoup d'autres choses au niveau individuel et collectif chez tous ceux qui y ont participé... une complicité qui ne peut être couchée sur le papier, mais qui nous unit et nous rend plus forts...

" Seuls, nous sommes une goutte ;

Ensemble, nous sommes un océan "

Route "Cuerdas y Más", élaboration de notre brochure touristique

Les enfants de Puerto Eden ont voulu partager avec leurs compagnons de France une destination spéciale, différente... : un itinéraire inconnu même de certains adultes ! Ouvrir un itinéraire, le baliser et le décrire pour que d'autres puissent le visiter exige une grande concentration, car il faut observer, s'orienter, calculer les temps et les distances, savoir le dessiner sur une carte, décrire l'itinéraire, mettre en évidence les points de repère les plus intéressants, anticiper les points de confusion le long de l'itinéraire et les capturer de manière attrayante.

Dans ce but, après chaque excursion, les enfants ont effectué une descente pédagogique dans l'école, en suivant le programme, et ensemble ils ont mis sur papier des impressions et des informations.

Apprendre à rédiger une brochure touristique.

Photos : Romina Pizarro, Natalia Morata

Ouvrir la voie pour découvrir, explorer et partager

Ouverture d'un nouvel itinéraire : l'itinéraire "Cuerdas y Más".

Photos : Romina Pizarro, Leonardo Rivas

Le résultat - la brochure touristique sur l'itinéraire "Cuerdas y Más".

Route "Cuerdas y Más", un circuit pour profiter de la flore et de la faune de la région.

Excursion au lac de Punta Lackawana

La plupart des activités n'auraient pas été possibles sans la collaboration de la communauté. Dans un environnement maritime, au milieu des canaux de la Patagonie occidentale, les approches des destinations choisies se faisaient parfois par la mer. Nous avons eu le soutien des bateaux Alisson, Albatros et Sur Oeste pour la préparation des activités et pendant leur déroulement. Merci à Juan Ávila, Alexis Ávila, Aliro Vargas, Koté González et Esteban Chiguay pour leur patience et leur précieuse collaboration !

Située à environ 30 minutes de navigation au sud du village de Puerto Eden, Punta Lackawana nous a donné l'occasion de mettre en pratique certaines des techniques que nous avions apprises les jours précédents. Sur le chemin du retour, nous avons rendu visite au rorqual boréal qui s'était échoué mort dans la baie quelques jours auparavant.

Photos : Romina Pizarro, Felipe Viera, Juan Ávila, Leonardo Rivas, Koté González, Natalia Morata

Randonnée collective à Punta Eva

Depuis Puerto Eden, il est possible de faire des randonnées. En plus de l'itinéraire "Cuerdas y Más", une autre belle randonnée est celle qui mène à Punta Eva, au nord du village. Cette promenade était ouverte à toute la communauté éducative et nous a permis de partager rires et anecdotes pendant les 6,5 km qui séparaient l'école (notre point de départ) de la petite baie où nous attendaient les bateaux Albatros et Sur Oeste.

L'excursion à Punta Eva, où coule la rivière Eva, a été la première activité collective de la semaine. Des liens se sont tissés et des complicités se sont forgées, essentielles à la vie en communauté.

Photos : Leonardo Rivas, María Isabel Tonko, Romina Pizarro, Natalia Morata

Bivouac à Jetarkte

Apprendre à connaître son environnement immédiat signifie également échanger des connaissances et des expériences avec ses habitants. À Puerto Eden, des membres de deux des peuples originels du Chili vivent ensemble : les Kawésqar et les Mapuche-Huilliches. Pour leurs descendants, leurs camarades d'école et de maternelle, approfondir les racines des uns et des autres, mais aussi les leurs, peut créer des liens d'interconnexion forts qui leur permettent de préserver le savoir ancestral et l'interrelation avec la nature qu'ils chérissent naturellement parce que c'est ici qu'ils habitent.

C'est pourquoi nos activités ne pouvaient manquer de " vivre " Jetarktétqal (Puerto Eden en Kawésqar), en passant une nuit dans l'un des dômes qui composeront la future station ethno-scientifique Jetarkte. Avec Juan Carlos Tonko, président de la communauté Kawésqar vivant à Puerto Eden, nous avons appris l'histoire de l'occupation du village par le peuple Kawésqar et nous avons fini d'aménager un grenier où nous avons fait un feu pour cuisiner, se réchauffer et raconter des histoires autour du feu de camp. Juan Carlos nous a également accompagnés dans toutes les activités avec son appareil photo et, grâce à lui, nous avons une trace de tout ce qui a été laissé dans l'école et le jardin.

Pour terminer la construction et l'aménagement de la cabane kawésqar, nous nous sommes organisés en équipes : certains sont allés chercher des fougères pour recouvrir le sol et nous isoler du froid et de l'humidité ; d'autres sont allés couper des branches de coigüe pour couvrir le trou supérieur d'où sort la fumée ; d'autres sont allés chercher de l'eau ; le reste a aidé à terminer les murs du refuge.

Photos : Denis Montecinos, Natalia Morata, Romina Pizarro

Visite de l'île de la Salamandre ou de l'île aux ordures

Partout où il y a des établissements humains, des déchets et des ordures sont produits. Les décharges sont toujours une question complexe, qui reflète, souvent de manière effrayante, notre impact.

La mauvaise gestion des déchets, surtout dans une région isolée, est un problème auquel les habitants d'Eden doivent faire face. Le fait de voir ses propres déchets peut contribuer à faire prendre conscience de l'importance de réduire la quantité de déchets, à nous motiver à réutiliser et à recycler. Mais cela ne suffit pas si la chaîne de gestion des déchets ne fonctionne pas. Les administrations communales et régionales doivent remplir leurs obligations et éliminer les déchets de manière contrôlée afin d'éviter la contamination de l'eau et de ses espèces, qui constituent le moyen de subsistance des habitants de Puerto Eden.

L'île aux ordures était un arrêt obligatoire sur notre itinéraire. Elle a donné beaucoup de matière à réflexion et suscité de nombreux sentiments que les enfants ont illustrés par des dessins à leur retour à l'école, avant de poursuivre leur projet de recyclage de bouteilles en plastique.